Théorème de Wantzel

Théorème de Wantzel

algebra

Une application sympathique de la théorie des corps en géométrie. Les arguments sont assez simples et donnent lieu à de jolies applications.

Notation 1. On note l’ensemble des nombres constructibles. Tout au long du développement, on se permettra de confondre points et coordonnées.

Lemme 2. contient le corps .

Démonstration. Tout élément est constructible. Soit . Les points et sont constructibles. On considère la droite , parallèle à passant par . Cette droite est constructible, et son point d’intersection avec la droite passant par les points et est par le théorème de Thalès.

tikzpicture-1

Donc . Comme , on a bien . ◻

Lemme 3. est un sous-corps de stable par racine carrée.

Démonstration. Soient . Commençons par montrer que est un sous-corps de .

  • Le point est constructible donc son symétrique l’est aussi. Donc .

    tikzpicture-2

  • La droite passant par les points et et la droite passant par les points et ont pour point d’intersection (par le théorème de Thalès). Donc .

    tikzpicture-3

  • D’après ce qui précède, et appartiennent à . La droite passant par les points et et la droite passant par les points et ont pour point d’intersection (par le théorème de Thalès). Donc .

    tikzpicture-4

  • On suppose . La droite passant par les points et et la droite passant par les points et ont pour point d’intersection (par le théorème de Thalès). Donc .

    tikzpicture-5

Ainsi, est un sous-corps de , qui contient par le Lemme 2. Maintenant, soit avec . Comme est un sous-corps de , on a . Le cercle de centre passant par et la droite passant par les points et ont pour point d’intersection et par le théorème de Pythagore. Donc .

tikzpicture-6

 ◻

Théorème 4 (Wantzel). Soit . Alors, si et seulement s’il existe une suite finie de sous-corps de vérifiant :

  1. .

  2. , est une extension quadratique (de degré ) de .

  3. .

Démonstration. On suppose constructible. Alors, il existe un point tel que est l’abscisse de . s’obtient à l’aide d’un nombre fini de constructions de points . Pour tout , on note les coordonnées de . De ce fait, on a une tour d’extension avec et pour tout , . Soit . Montrons que . On a différents cas possibles :

  • est l’intersection de deux droites passant par des nombres constructibles de . Alors, les coordonnées de sont solution d’un système d’équations de la forme avec par construction. Donc, et ainsi, .

  • est l’intersection d’une droite et d’un cercle passant par des points dont les coordonnées sont des nombres constructibles de et de rayon un nombre constructible de . Alors, les coordonnées de sont solution d’un système d’équations de la forme avec par construction. Raisonnons selon la nullité de .

    • Si , la première équation donne et en réinjectant dans la deuxième équation, on obtient que est racine d’un polynôme de degré . Ainsi, . Puisque , on a bien .

    • Si , alors (on ne peut pas avoir dans ce cas). Or, cette fois-ci c’est qui est racine d’un polynôme de degré . On peut conclure de la même manière que ci-dessus.

  • est l’intersection de deux cercles passant par des points dont les coordonnées sont des nombres constructibles de et de rayon un nombre constructible de . Alors, les coordonnées de sont solution d’un système d’équations de la forme avec par construction. On soustrait la deuxième équation à la première, pour obtenir le système équivalent : ce qui nous ramène au cas précédent.

Il suffit alors d’extraire de la suite une sous-suite strictement croissante (au sens de l’inclusion) en ne conservant dans la suite initiale que les corps extension quadratique du précédent (avec et ). On obtient une suite de sous-corps de (par le Lemme 3) qui remplit les trois conditions annoncées.

Réciproquement, supposons l’existence d’une suite de sous-corps de répondant aux trois conditions de l’énoncé. Montrons par récurrence que

  • Initialisation : : cela résulte du Lemme 2.

  • Hérédité : Supposons pour . Soit . Comme, par hypothèse, la famille est -liée :

    • Si , alors, . Donc .

    • Si , alors, . Donc, comme est un sous-corps de stable par racine carrée (cf. Lemme 3), .

    Ainsi, . En conclusion, , donc est constructible.

 ◻

La réciproque et la conclusion du sens direct du théorème sont mieux rédigées dans [GOZ], à mon avis.

Corollaire 5. Si est constructible, il existe tel .

Démonstration. Soit . D’après le théorème précédent, il existe une suite finie de sous-corps de vérifiant :

  1. .

  2. , est une extension quadratique (de degré ) de .

  3. .

Par le théorème de la base télescopique, et par ce même théorème, et en particulier, est un diviseur de : ce qu’on voulait. ◻

Application 6 (Duplication du cube). Soit un cube de volume dont on suppose son arête constructible. Il est impossible de dessiner, à la règle et au compas, l’arête d’un cube de volume .

Démonstration. On a et donc . L’arête d’un cube est la racine cubique de son volume. Il faut donc construire le nombre Comme est constructible, ceci revient à construire le nombre Le polynôme est irréductible sur (par le critère d’Eisenstein) et annule : c’est son polynôme minimal sur . On a ainsi donc n’est pas constructible par le Corollaire 5. ◻